"Plats dessus, plats dessous"
Exposition Internationale de Reliures à Structure Croisée
chez Claude Blaizot du 6 au 29 juin 1996
La reliure à structure croisée est simple,
tellement simple que je me demande pourquoi personne n'y a pensé auparavant.
Il serait pourtant facile d'imaginer qu'elle a été inventée
avant le XVème siècle, époque où la reliure
n'était pas encore figée dans sa forme traditionnelle.
Les premières reliures à structure croisée que
Carmencho m'a montrées étaient très séduisantes
; d'une beauté sobre, souples et agréables à manipuler,
elles s'ouvraient parfaitement bien et se lovaient presque dans les
mains. Les possibilités plastiques que cette structure me laissait
entrevoir m'ont incitée à la marier avec mes techniques
"à la française".
J'ai travaillé sur la version n°1 à couture apparente.
Je me suis beaucoup amusée à mettre au point deux versions
: une à plats souples et une autre avec cartons. Par la suite
j'ai fait aussi quelques reliures suspendues en utilisant la version n°6.
La Reliure à Structure Croisée avec plats souples
Le livre doit être préparé comme pour toute reliure
soignée ; il n'y a pas d'avancement obligatoire pour les gravures
et les couvertures de brochures, car le dos n'est pas endossé.
Deux cahiers de garde, composés de deux feuilles pliées
sont ajoutés l'un au début, l'autre à la fin du
livre. Ces cahiers de garde sont taillés 2 mm plus large que
le livre ; ils seront recoupés à leur dimension définitive
une fois la reliure terminée.
Les gardes volantes en peau sont amincies côté dos, puis
doublées d'un papier japon de 30 g. Après séchage
elles sont élaguées au bistouri à zéro,
côté dos, et doublées de nouveau avec un papier
japon. Ce second papier doit dépasser (2-4 mm) côté
biseau pour l'utilisation ultérieure comme onglet de montage.
Pour le contre-collage, le feuillet du milieu du cahier de garde est
provisoirement enlevé et remplacé par une carte. La partie
biseautée de la peau est alors ajustée autour du pli du
feuillet.

- gardes en peau doublée et élaguée,
- onglet de montage
- cahier de garde
Les plats sont composés de deux peaux collées sur un support
de papier japon et sont renforcés en gouttière par des
baguettes de bois.
- peau parée à 0,3-0,5 mm, et doublée d'un papier japon de 30 g
- support de papier japon
- baguettes de bois de largeurs différentes, poncées pour être à niveau avec la peau
(Colles employées : mélange de 50 % de méthylcellulose et de 50 % PVA pour doubler les peaux, PVA pur pour les coller sur le papier japon central).
Un dessin rigoureux du projet est fait sur papier ; il permettra la confection des gabarits en film transparent, à l'aide desquels
on découpera les plats d'une manière précise.
La largeur du dos est une estimation ; les dimensions définitives du plat sont les suivantes : hauteur = 2 mm de plus que le livre, largeur = largeur du livre.
A ce stade, il est préférable de ne découper que le premier film. Ainsi le film du second plat peut être,
si nécessaire, rectifié selon les dimensions du livre déjà cousu.
Les bords verticaux, sur l'extérieur de la couverture peuvent être élagués au bistouri.
L'emplacement des rubans de couture, ainsi que celui des chaînettes, est relevé sur un gabarit en papier.
On percera les trous de couture à travers ce gabarit, glissé au milieu des cahiers.
Un papier japon, collé sur l'intérieur des rubans, permet d'isoler l'acidité de la peau des cahiers du livre.
La reliure à structure croisée étant une reliure non endossée, le choix de l'épaisseur du fil de couture n'a pas une importance capitale.
Pour éviter le tirage du fil sur le papier j'emploie la couture "sur nerfs plats" au lieu d'une simple couture "sur ruban".
- rubans de couture faisant partie de la couverture
- fil de couture
- cahier
Au dessus de chaque ruban l'aiguille passe sous le fil du cahier précédent.
L'encollage du dos, l'arrondissure, les mousselines, les tranchefiles, les goudrons en peau sont facultatifs.
Pour assurer une ouverture complète et pour éliminer toute tension au niveau du mors, les rubans du second plat peuvent être collés en plein sur le dos du livre.
La Reliure à Structure Croisée à plats rigides
Les résultats de mes essais, sur des livres relativement petits, me satisfaisaient assez, tant du point de vue de la conservation que de l'esthétique,
mais les reliures à plats souples ne protègent pas bien les livres grands et lourds.
En remplaçant le support de papier japon de la version précédente par un carton, on peut faire une reliure à structure croisée
à plats rigides, ce qui convient bien même aux très grands formats car les deux couches de peau constituent une charnière solide.
Côté dos, les cartons sont biseautés sur les deux faces, un peu moins à l'intérieur qu'à l'extérieur.
L'arête même est à zéro. Les bords tête et queue ne sont élagués et poncés que légèrement,
la gouttière un peu plus selon le format et la matière de couvrure.
Les chants du carton sont teintés en tête et queue et la peau extérieure rempliée en gouttière.
Après séchage le rempli de gouttière collé à l'intérieur du plat est recoupé et élagué,
puis son épaisseur comblée par un papier poncé, comme si l'on préparait l'emplacement d'une garde en peau bord à bord.
La peau intérieure est 5 mm plus large que le plat, elle est parée en fonte mince côté dos et élaguée à zéro côté gouttière.

- peau extérieure
- peau intérieure
- carton
- papier de comblage
La découpe des rubans est différente de celle de la version à plats souples, car il y a un rempli sur les bords verticaux entre les rubans.
Ces remplis deviennent des rectangles mosaïques à l'intérieur des plats ; ils peuvent également servir d'étiquettes.

Il y a également une solution très simple pour faire une reliure à structure croisée :
c'est d'utiliser comme plat un collage de papier (ou de peau) en double largeur, plié en gouttière.
Bien entendu je ne pense aux solutions simples qu'après avoir essayé toutes les autres possibilités qui me paraissent aujourd'hui terriblement compliquées...
A La Celle les Bordes, le 30 mars 1996
Sun Evrard

RSC1 à plats souples en strates de peau de crocodile peintes et cirées, 1993 (12 x 18,5 x 2,5 cm). Sur : "
Recherche de la base et du sommet" de René Char. Ed. Gallimard, Paris 1995.

RSC1 à plats rigides peau de buffle avec une broderie sur cuir à la machine, réalisée par Sylvie Ollivier, 1995 (19,5 x 30 x 1,5 cm).
Sur : "Ces robes qui m'évoquaient Venise" de Marcel Proust, avec 5 gravures de Pierre Alechinsky. Ed. Fata Morgana, 1988. Ex. 36.